Conférence St. Jacques de compostelle

à la version allemande

UNE ROUTE DE TRANSFORMATION

Zurich, le 26 novembre 2016,

Stauffacherstrasse 8/10, 8004 Zurich

Rémy Berchier

« Le pèlerin qui chemine doit accepter de se laisser transformer »

1.- BRÈVE PRÉSENTATION

Bonjour et merci de m'avoir invité à vous partager, bien humblement, ce que j'ai vécu, il ya déjà bien des années, sur le chemin de St Jacques. J'en suis très honoré ! Mon expérience est un petit visage dans toutes les cellules et choses qui sont en route vers le cours des siècles et les spécialités, vous les avez dans cette salle, vous en avez aussi une part !

Je m'appelle Rémy Berchier. Je suis né dans la Broye fribourgeoise, au bord du lac de Neuchâtel, en 1956. Enfant de parents agriculteurs, pétris par la Foi en Dieu et marqués, dans le bon sens, par l'Eglise catholique. Dernier d'une fratrie de trois garçons, très vite, marqué par les curés qui se succèdent dans mon village, par un Père missionnaire et par mes parents, je réponds l'appel de Dieu à la prêtrise. Je suis une filière tout à fait normal : étude dans un collège religieux, spiritain, au Bouveret, Bac français, séminaire à Fribourg et études de théologie à l'université de cette ville. Durant ma formation théologique, deux événements marquent mon cheminement : un mois en plein désert du Sahara sur les pas de Charles de Foucauld et six mois dans un monastère Bénédictin, en Bretagne, à Landevennec. Ordonné prêtre en 1982, 10 ans de ministère à Romont, dans le canton de Fribourg, comme vicaire puis curé, puis 10 ans à Bulle, toujours dans le canton de Fribourg, comme curé avec une bonne équipe de laïcs.

En 2001, Notre Evêque, Mgr Genoud, a demandé le fils du Vicaire Général, avec comme mission plus particulière de mettre en place les unités et équipes pastorales sur l'ensemble du diocèse. Cela dure 10 ans. Fin 2011, Mgr Morerod et ordonné évêque pour notre diocèse. Un fils est arrivé, il me demande de bien vouloir changer de mission, de passer de vicaire général sur l'ensemble du diocèse pour devenir vicaire épiscopal pour la partie francophone du canton de Fribourg. Ce que je suis depuis janvier 2012. Mon travail consiste surtout à accompagner les agents pastoraux prêtres, diacres et laïcs de cette partie du diocèse et de conduire pastoralement, au nom de l'évêque, ce coin de diocèse.

Je note au passage que durant cette période, mon Père est décédé, subitement, en 1991, à l'âge de 72 ans et ma Mère, en 2003, d'un cancer, à l'âge de 79 ans. Je le note parce que ces départs vont me marquer.

Un autre élément important, entre 2002 et 2010, n'est pas un diocèse qui traverse une période difficile avec les histoires de pédophiles d'enfants, mais qui a aussi un profil profond.

2.- MON CHEMIN DE SAINT-JACQUES

Plusieurs amis me racontaient leur riche expérience de pèlerinage sur le chemin de St Jacques et l'envie devenait grandiose en moi de l'entreprendre un jour. Un de nos amis dit : « Tant que l'on n'a pas rêvé ce pèlerinage, on n'est pas prêt à partir ! » Il fallait donc que je laisse grandir en moi le rêve.

Petit-à-petit, l'Esprit Saint et les événements de la vie faisaient grandir en moi le rêve. Mon ami, Colonel de l'Armée Suisse, qui a du service, comme aumônier, et grand amateur de vélo, je vous propose de faire le chemin à vélo. En été 1999, nous voilà partis, mon sans entraînement aussi, pour une première étape menant de Bulle à Moissac. L'annonce a été faite dès la deuxième étape, de Moissac à St Jacques. C'était plus une performance physique qu'un pèlerinage spirituel. La vitesse du cycliste n'est pas perpétrée par l'admirateur du paysage, le faire s'arrête dans chaque église ou chapelle, ne permet pas de rencontrer des gens sur la route et de partager. Cette partie, désormais estivale, est rare sur le chemin et doit et est attentive aux dangers du parcours. Rien d'un pèlerinage, mais assez pour faire grandir en moi le désir de le faire à pied. Souvent mon regard se portait sur les marcheurs, sur les gîtes et un manque terrible de spiritualité.

Le 2 juillet 2005, les invités sont arrivés à la Cathédrale du Puy-en-Velay et sont arrivés le 10 août à la Cathédrale de Burgos. Je fais le choix de marcher le plus seul possible, logeant très souvent dans de petits hôtels, pas chers, afin de pouvoir me retrouver seul le soir pour pouvoir prier, méditer et mettre mes notes au clair.

Entre 2006 et 2007, pendant deux jours ou deux, la cheminée de Fribourg au Puy-en-Velay. Le 12 juillet 2007, en provenance de Burgos, arrivée à Astorga, le 20 juillet.

Il était prévu en 2008, pour un voyage en Afrique, il est arrivé le 6 juillet 2009 à Astorga pour arriver à St Jacques de Compostelle, le 17 juillet 2009.

Enfin, entre le 9 et le 27 août 2006, j'accompagne, avec un minibus, une équipe de cinq cyclistes sur le chemin de St Jacques, assurant le transport des bagages, le repas de midi et l'animation spirituelle. Là, j'ai le temps de m'arrêter dans les églises et différents monuments et de m'entrer un peu avec les gens des régions traversées.

Parlez-moi de mon expérience concrète sur le chemin de Saint-Jacques. Une veste aux deux angles différents, une expérience formidable et riche.

3.- CE QUI A MOTIVE MA DECISION DE PARTIR A PIED

J'approche de la cinququantaine. J'approcheis de moi 25 ans de sacerdoce.

Ma mère doit quitter la maison et avoir une cheminée pour la première fois. Il n'est pas évident pour un prêtre, de dire A Dieu à ses parents et surtout à sa Maman, elle à qui je devais tant quant à ma foi et pour le soutien, sans jamais me forcer, dans le don de ma vie à Dieu par le service presbytéral.

Il est à la disposition du directeur général. Et nous avions passé des années difficiles durant lesquelles plusieurs affaires de pêtres pédophiles étaient sorties, un temps d'épreuve profonde pour moi, de désillusion sur l'Eglise que j'aime tant mais que je devais apprendre à aimer avec ses défauts et ses fautes. Le choix se fait selon le dicton d'ordination et la parole de Ste Thérèse de l'Enfant Jésus : « Au cœur de l'Eglise, ma Mère, je serai l'amour, ainsi je serai tout ! » De vastes programmes sont peut-être que, à cet instant-là, mon paraissait plus possible à vivre. Il fallait que je me recentre sur moi-même d’abord et sur Dieu.

C'est quelque chose qui m'arrive quand j'arrive, quand je me pose des questions sur qui je suis en tant qu'homme ? Je suis baptiste, je suis prêtre et je suis vainqueur général ! Je passais vraiment par une nuit de la foi et par une recherche de sens et d'identité.

La même année, dans le même esprit et pauvre, je me retrouve à Lourdes, en retrouvailles avec les directeurs des pèlerinages. A nuit, descendant à la Grotte, à minuit, pleurant avec moi des questions, située sur l'esplanade, sous la neige, une vieille dame surgit de je ne sais où. Je n'étais pas reconnu comme prêtre. Elle s'arrête droit devant moi et me dit « Toi, tu dois rester prêtre ! » Et elle continue son chemin.je ne suis vraiment pas du genre à croire facilement à ce genre de manifestation peu logique. Pouvez-vous commenter ce qui est interpellé et qu'en est-il d'un signe de l'Esprit de Sainte, la Vierge, Notre-Dame de Lourdes ? Il y a un élément de réponse qui peut être résolu après le long, le fallait que j'aille beaucoup plus loin en moi, en Dieu.

Alors me rappelais mon séjour au désert, sur les pas de Charles de Foucauld, seul en plein sable, dans un ermitage construit par Carlo Carreto, je me souvenais de la magnifique rencontre avec Dieu et de l'appel fort que j'avais ressenti à suivre le Christ. J'ai aussi des souvenirs de mes six mois au monastère en 1981 et cela se poursuit dans la rencontre avec Dieu et aussi dans l'accompagnement de la merveilleuse vie communautaire avec les frères du monastère. C'est sur ces bases qu'il fallait que je construis mon chemin de St Jacques et que j'avance dans la rencontre du plus intime à moi-même que moi-même comme dit St Augustin.

Je commençais à rêver mon pèlerinage, à en rêver jour et nuit !

4.- PRÉPARATION AU MA

Bien sur, comme chacune et chacun de vous, j'ai demandé à des Amis, ayant déjà réalisé ce chemin, de me tonnerre les étapes effectuées, je les ai compare et fixé mes propres étapes sur cartes. Un sac fait et refait, pesé et repesé après avoir éliminé bien des éléments inutiles, vous savez cela.

Un ami, sculpteur sur bois, m'avait taillé un magnifique bâton d'une pièce et où culminait une petite croix de bois. Elle est très importante, cette croix et le bâton de susciter beaucoup d'envie auprès des pèlerins rencontrés en chemin.

Les souliers achetés et testés, les avis avisés de mes médecins, car je dois vous avouer que j'ai une polyarthrite rhumatismale évolutive, je l'avais, à l'époque, depuis 10 ans. Cet élément est également important dans mes motivations, je veux me convaincre que je peux réaliser une certaine distance et marcher plusieurs milliers de kilomètres.

Une préparation spirituelle ! J'ai l'occasion d'avoir une belle discussion avec un ami théologien, exécuteur testamentaire et pasteur protestant, spécialiste de saint Paul. Il m'a demandé de préparer un feu spirituel avec saint Paul, un thème de réflexion spirituelle. Ce qu'elle mérite avec plaisir.

Ainsi, la première semaine, je devais méditer sur le thème : « Comment je me défini et défini ma vie ? », puis « Ma vie spirituelle ou l'homme et sa double vocation : homme et prêtre. », ensuite « Le Christ et la foi au Christ », « Dieu et la foi en Dieu », « La vie communautaire » et enfin « La prière », tous ces thèmes étant éclairés par des textes de St Paul.

Je m'étais fixer de vivre ce chemin le plus seul possible, et pouvoir prolonger ma réflexion le soir ; Mon natel n'était ouvert que quelques minutes par jour pour voir s'il y avait une urgence. Bien évidemment, je ne voulais pas éviter les gens et on verra que le besoin de la rencontre s'est vite fait sentir. Le moment le plus difficile est le repas du soir ! Une dizaine de fois, ne trouvant pas de petits hôtels, je me suis retrouvé en gîtes d'étape.

Le jour du départ approche, je l'ai envoyé à nouveau et j'ai été libéré. ​​J'ai une chance incroyable de réaliser que j'ai le droit de prendre deux mois de suite pour réaliser le début de mon rêve. Je crois qu'il comprenait bien mon mal être !

5.- LA ROUTE

« Permettez-moi, en ce moment de ma réflexion de vous livrer un texte trouvé en chemin et qui me accompagné longtemps, il dénote bien mon état d'esprit à ce moment-là :

LA ROUTE

Poussière, boue, soleil et pluie. C'est le chemin de St Jacques.

Des milliers de pèlerins et plus d'un millier d'années.

Pèlerin qui t'appelle ? D'où cette force est-elle obscure qui t'attire ?

Ni les champions des étoiles, ni les grandes cathédrales, ni les turbulences des Gascons, ni les vins du Sud-Ouest, ni les eaux-de-vie d'Armagnac, ni les confiscations, ni les foies gras du Pays, ni le paysage de l'Occitanie.

Pèlerin qui t'appelle ? D'où cette force est-elle obscure qui t'attire ?

Ce n'est pas la gens du chemin, ce n'est pas les coutumes rurales, ce n'est pas l'histoire et la culture, ce n'est pas le trésor de Conques, ce n'est pas le pont Valentré de Cahors, ce n'est pas le cloître de Moissac.

Tout cela je le vois au passage. Et ce m'est une joie de le voir.

Mais la voix qui, moi, m'appelle, je la sens au plus profond.

La force qui, moi, me pousse, la force qui, moi, m'attire, je ne sais même pas l'expliquer.

Seul celui d'en-haut le sait ! »

6.- LE DÉCAPAGE

J'ai passé de bons moments, les deux premières saisons, physiques et spirituelles. Mes articulations me faisaient des moments. Mon sac était trop lourd. Cette partie, comme je l'ai fixée sur la réplique de Saint Jacques en deux mois, le temps imparti à mon père, je l'ai fixée sur mes bandes et les buts pour y assister. Cela signifie aussi que je vais libérer le visage, le cœur et le contexte du quotidien Lourd et toutes mes questions. Je devais me dégager de tout ce qui m'habitait, de ce que j'avais vécu les années précédentes. Je n'arrivais pas à prier. C'est le temps de la sécurité.

7.- DU RENONCIATION

Les premiers soirs, je calculais qu'au lieu de 25 kilomètres, il fallait que je marche davantage chaque jour. Je répare une contradiction intenable qui me limite tout. C'est là, dans les premiers jours, que je pris la décision de ne pas forcement atteindre St Jacques durant cette période et que le Seigneur m'y mènera bien un jour et le jour qu'Il décidera ! Ce fut une grande libération pour moi, signe que je devais lâcher prise aussi sur ce qui me tenait le plus à cœur et que j'avais bien planifié ! Le changement de programme correspond à la situation dans laquelle il se situe : dans le département, je fixe les exigences dans la partie inférieure de la peau, mais il l'est aussi pour le reste. Je vais peut-être être trop vite. Je suis trop gourmand dans les buts que je me fixe. Les réalités du terrain et Dieu me font comprendre, par ce chemin, que je dois prendre le rythme de Dieu et le rythme des autres, que je dois les rejoindre dans ce qu'ils sont et avec leurs moyens et me mettre à leur rythme, donc me freiner, me modérer.

De plus les renoncements habituels : confort, communications, rencontres, le « faire » qui me tenait tant à cœur, alors que je venais d'entrer dans le temps de « l'être » uniquement et l'harmonisation du faire : marche, nourriture, avec l'être soi, se rejoindre soi-même. Passage difficile s'il en est ! Surtout pour moi.

Un renoncement supplémentaire, dans la vie du ministre, à un poste de responsabilité, à beaucoup de problèmes à essayer de résoudre mais il ya aussi et surtout la reconnaissance des autres choses, le respect du prêtre, le besoin de moi en tant que tel. Là, c'est d'un coup, le vide, plus personne, plus aucune reconnaissance, et on ne me reconnaissait même pas comme prêtre, je n'avais d'ailleurs aussi signé externe qui le montrait et cela volontairement. A renoncement qui me fait tomber de haut et qui me remet, en ce début de pèlerinage, à ma juste place : homme, baptisé face à son Dieu et c'est de lui et de lui seul que je peux et veux attendre la reconnaissance parce que je me sais aimé passionnément par lui.

Lié à cet aspect, lorsque l'on travaille comme vicaire général, nous avons une équipe de collaborateurs, des secrétaires, et d'un coup c'est la solitude et la prise de conscience que tout va tourner sans moi, tout aussi bien, peut-être même mieux ! C'est aussi un renoncement à vivre !

Passer du « faire » à « l'être », passer du « pouvoir » au « service » tel que décrit par Jésus, par sa vie et dans l'Evangile, passer de la mission comme baptisé et prêtre que je m'approprie à la mission qui est celle du Christ et dont je ne suis que le serviteur !

Durant ce temps de vide et de sécheresse, deux prières commencèrent, lentement, à rythmer ma marche : la prière du pèlerin russe : « Seigneur, Fils de Dieu, prends pitié de moi. Pécheur. » Et la prière du chapelet. Le rythme est ces prières à ma respiration et à mes pas. Alors tout devenait plus léger, mon esprit et mon cœur se libéraient peu à peu et je commençais, enfin, à entrer au plus profond de moi-même.

C'est là que je prends conscience de la pertinence des paroles du poète espagnol Antonio Machado : « Pèlerin, il n'y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant ». Nous sommes là à l'essentiel : on ne fait pas le chemin, c'est le chemin qui nous fait !

Autre renoncement : les beaux papiers préparés pour la famille pâtissière, sur le personnel de l'entreprise et à deux rythmes par semaine, librement en éclat ! Il fallait d'abord me retrouver avant de vivre cela !

C'est la première étape de mon habitation : « Commenter ma définition et définition de ma vie ». Et j'y ai passé plusieurs semaines, même tout le chemin. Le fait, les autres étapes sont invitées, comme naturellement, tout au long de ma méditation : ma relation au Christ, ma foi en Dieu et ma vie communautaire !

Une première question : « C'est ce que je veux dire » ! J'ai une phrase de saint Paul qui me guide dans ma réflexion : « J'ai des raisons d'avoir confiance en moi-même… » (Ph 3, 4). Je cherche les points forts de ma vie tant humaine que spirituelle, les axes principaux qui ont construit ma vie et mon identité. St Paul, avec deux lettres des Corinthiens et son identité comme beaucoup. Je pose un regard objectif sur mes qualités et mes défauts.

Un deuxième point d’attention : « Ce qu’on dit de moi » ? Toujours avec les lettres aux Corinthiens.

Et enfin, « sous le regard de Dieu » ! J'ai un texte qui a une raison de me donner de la force dans le cœur, celui de saint Paul en 1Cor 15, 8-11 : « Je suis, j'ai la grâce de Dieu et la grâce de mon Père n'est pas là. Au contraire, j'ai travaillé plus qu'eux tous ; Non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. » Une partie de l'histoire, qui est la plus drôlement résumée, vous passez deux jours dans la marche, la méditation, le renoncement et le dépouillement, le combat intérieur, d'insomnie. Une partie de la pièce, vous pouvez entrer dans la pièce et la joie de la relation entre vous et moi et vous. Dès lors, jaillissait en mon cœur l'hymne de Paul dans la première à Timothée : « I am from the bottom of the reconnaissance envers celui qui m'a donné la force, le Christ Jésus, notre Seigneur : c'est lui qui m'a jugé digne de confiance en me prenant à son service, moi qui étais auparavant blasphémateur, persécuteur et violent. Je pense que c'est une misère, même si je suis un peu ignorant, ça n'en vaut pas la peine. Oui, elle a surabondé pour moi, la grâce de notre Seigneur, ainsi que la foi et l'amour qui est dans le Christ Jésus. »

Petit-à-petit, je sentais que la confiance se reconstruisait en moi. J'entrais dans cette confiance, qui est gratuite, en Dieu et en sa Parole. Je ressentais l'amour et la générosité de Dieu envers moi et me devenais, à nouveau capable de rendre grâce !

8.- LE RYTHME SE PREND PETIT-A-PETIT

Faisant partie de la maison, je peux me détendre le soir, après le chemin, après les rencontres et pendant le dieu. J'étais bien dans mon esprit, dans mon coeur, dans mon âme, dans mon corps ! Tout, la marche, les intempéries, les difficultés du chemin me ramèneraient au réel de la vie, de ma propre vie, mais comme transfiguré. C'est un retour aux constatations du départ : alléger, alléger et encore alléger. An allègement qui produit une libération dans la tête et dans le cœur et un appel à croître en liberté. Tous les affectifs s'accumulent encore par la nécessité d'avancer, de quitter parfois un endroit confortable, de ne pas s'attacher aux personnes rencontrées. ULTREIA : plus la longe ! Invitation pressante à entrer dans une liberté intérieure, à la savourer, à en vivre.

De plus, on est dépassé par soi-même, par ce qui a été vécu, par ce que cela produit en soi. Le Camino entre dans une aventure spirituelle qui ne tarde pas à être revue. Là encore, passer, ne pas s'attacher, ne pas en faire même un bien ou un acquis spirituel. Quelqu'un a choisi a été, à la fois, donné et vécu qui demandait à être prolongé, sur aucun commentaire dit. Appel à vivre une plus grande gratuité. Reste la joie de l'avoir vécu, celle d'en parler à qui veut bien écouter, en témoigner.

C’est le début d’une véritable transformation intérieure. La suite du chemin, que ce soit cette année-là, 2005, ou les années suivantes, jusqu'à mon arrivée à St Jacques, en 2009, je ressents, à chaque matin où je me mettais en route, cette base sûre et solide, comme les fondations humaines et spirituelles retrouvées, mais toute la construction était encore à imaginer et à bâtir. Sur le chemin, je pouvais élaborer les plans et les mettre en harmonie avec moi-même, le retour dans la vie et le quotidien depuis le retour se chargera bien de la construction concrète et ce, soqu'à mon dernier souffle.

Après les premiers temps, nous retrouvons un rythme de prière quotidienne, de méditation, de louange au cœur de la création et ses beautés autant visuelles que par les senteurs extraordinaires. Je ressentais aussi la nécessité de m'engouffrer dans des églises, d'une part pour y trouver une bouffée de fraîcheur, mais aussi et surtout pour me mettre devant le Christ Eucharistie et me laisser faire comme disait le Curé d'Ars : « Il m'avise et je l'avise » ! Besoin aussi de participer, chaque fois que l'occasion se présentait, à l'Eucharistie du village ou de la ville étape et appel irrésistible à célébrer quelques fois, seul au milieu de la nature, tant sa beauté m'invitait à célébrer son Créateur.

Ma marche devait chanter de louange et de joie. La douleur de devoir m'arrêter à Astorga m'étreignait et, à chaque fois que je quittais le chemin pour un an ou deux, ce fut un déchirement. Mais, comme l'on disait à a monine chartreux – you savez que ces derniers se couchent à 19h pour se relever à 23h et se recouchent à 1h pour se relever à 5h – quel courage vous avez de vous lever deux fois dans la nuit, celui-ci a répondu : mais si You'll have a good time when you're on the couch in the night! Ainsi quel bonheur de me remettre sur le chemin pour y poursuivre la route intérieure. Ce désir me travaille encore bien souvent !

Lorsque le propriétaire de Charles de Foucauld quitta la maison, il réfléchit à la situation :

« Mon père, je m'abandonne à toi. Fais de moi ce qu'il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie.

Je suis prêt à tout. J'accepte tout. Pourvu que ta volonté se saisisse en moi, en toutes tes tes créatures, je ne désire rien d'autre, mon Dieu.

Je remets mon âme entre tes mains, je te la donne, mon Dieu, avec tout l'amour de mon cœur, parce que je t'aime, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner, de me remettre entre tes mains, sans mesure, avec une confiance infinie, car tu es mon Père. »

9.- QUELQUES RENCONTRES FULGURANTES

Les rencontres sont quotidiennes sur le chemin. Souvent les mêmes personnes. Je ne pense pas que la montagne sur le chemin soit comme monter dans un wagon, nous allons dans la même direction, certains descendant plus vite, d'autres montant en route et nous sommes appelés à vivre le voyage avec les mêmes personnes.

Les gens qui veulent contacter et méprisent la cassette du jour avec nous. Si nous options pour la solitude, dans un premier temps cela agace au fond de soi, just so moment où je me disais que j'ai tout le temps pour moi et ce que je ne méditerai pas aujourd'hui je pourrai le faire demain, donc j'essayais de privilégier la rencontre. Une certitude m'habitait : celui ou celle que je rencontre sur ma route, c'est le Christ qui me rejoint.

La croix de mon bâton interpellait. Il ne fut pas rare que le pèlerin me rencontrât demande si j'étais croyant et pour quelques perspicaces, si j'étais prêtre ! En général, cela facilite la confiance et le plaisir du cœur.

Deux rencontres m'ont bouleversé. La première se situe entre Léon et Astorga. Une dame qu'on a déjà rencontrée souvent. On se saluait poliment, sans plus. A matin, à 7h, nous visitons une église ensemble, puis nous nous retrouvons au bar du coin pour boire notre café matinal. Elle s'approche de moi en me demandant d'où je viens. Nous découvrons que nous sommes Suisses tous les deux et elle me raconte son histoire bouleversante. Son fils a été tué dans un accident, deux ans auparavant. Vous pouvez également décider d'emprunter le chemin de Compostelle et une partie de la loi en mai. Elle me raconte son chemin difficile dans son corps et dans son cœur, elle ne pense pas arriver à St Jacques, mais, en pleure, elle m'avoue : « Je peux te dire exactement à quel endroit sur ce chemin, quel jour et à quelle heure, j'ai laissé partir mon fils ! Si vous appréciez la journée, vous serez toujours libre. Tant pis si je n'arrive pas à St Jacques, j'ai fait mon chemin. » Nous avons fêté cela ensemble. Puis elle me dit : « Tu fais quoi dans la vie ? » Je vais bien, je suis avec un pleurer de plus belle et tombe dans mes bras en moi disant : « C'est le Seigneur qui te met sur ma route ! » Source merveille, source émotion, source beauté ! C'est aussi un moment où je suis bien au début de ma mère et je suis de l'autre côté et aussi en forte communion avec l'autre. Dans la communion des Saints ! Nous avons marché ensemble jusqu'à Astorga et c'est là que je m'arrêtais pour cette année-là !

Le chemin de St Jacques comme un chemin de transformation, un rite de passage, une libération, une transfiguration !

Une autre rencontre qui va me marquer. Entre Burgos et León, j'ai un souvenir pour un couple. Nous nous retrouvons dans les mêmes offres le soir durant toute une semaine. L'observateur de la longe est le premier soir, le deuxième soir nous nous abordons et décidons de manger à la même table. Nous renouvelons ce partage trois soirs de suite. Ils me racontent leur histoire merveilleuse. Canadiens, mariés depuis plus de 25 ans et parents de deux enfants, ils se retrouvent bord de la rupture dans leur couple. Il existe désormais une autre chance : une bonne partie du chemin de St Jacques de Compostelle, en Espagne. Ils Chiminent Interior, ils parlent beaucoup d'eux, entre eux, de leur couple, de leur histoire. Ilse redécouvrent, ils s'approvisionnent à nouveau, ils retombent amoureux l'un de l'autre et ils grandissent dans la foi et la prière. Ils étaient heureux et nous avons fêté cela ensemble. La jeune fille qui se réjouit à León a maintenant préparé ensemble cette rencontre qui serait une véritable fête. Souvent je repense à ce couple, d'ailleurs, nous avons gardé quelques contacts. J'y pense en préparant des couples au mariage ou en rencontrant des couples en difficulté.

Et, il ya toutes les autres rencontres, des pèlerins qui m'ont demandé de leur transmettre le sacrement de la réconciliation, de prier avec eux et même, une fois, de célébrer l'Eucharistie avec eux. Je me suis vraiment senti bien dans ma mission de service et de témoignage, en étant qui marche avec, non pas devant – c'est le Christ – mais à leur côté, prenant leur rythme et avançant avec eux, en étant témoin de l'Evangile, non pas avec des paroles et des Discours mais en actes et en vérité, comme nous dit St Jean.

Rencontres des gens blessés par la vie, pour qui le poids du jour est trop lourd. Sans rien compter, vous pouvez participer à la marche. J'ai vu, juste au bord de la Garonne, une fille qui soignait ses pieds ! Ces pieds n'étaient que des plaies ouvertes, patiemment, elle appliquait ses pansements, les bandait, remettait ses souliers en hurlant et reprenait la route courageusement en serrant les dents. Je l'ai revue le soir dans une pharmacie refaire le plein de ses pommades. Quel courage, quelle volonté, vraiment le chemin qui nous fait et non pas nous qui faisons le chemin !

10.- SOURCE PRESENCE DES EGLISES SUR LE CHEMIN ET AUPRES DES PELERINS ?

Tout y est, toutes les rues, les couvents et les monastères qui bordent le chemin, et leurs noms ! À certains endroits, des informations historiques et des invitations et des propositions spirituelles sont magnifiquement développées sur panneaux et dépliants, des lieux accueillants pour les pèlerins, cela nous rattache à la longue lignée des pèlerins à travers les siècles et aux communautés vivantes en ces lieux. En bien des endroits nous rencontrons des laïcs bénévoles ou même des prêtres qui nous accueillent et invitent au dialogue dans un très grand respect de ce que chacun est.

Êtes-vous en tenue, baptisé, croyant, engage ou ministre, prêtre, comment rayonner, comment puis-je être présent ?

Une certitude fondamentale : je suis là comme pèlerin parmi tant d'autres, je ne suis pas là pour convertir, imposer, convaincre ou forcer. Je suis simplement LÀ, avec ce que je suis, appelé à cheminer dans l'humanité et la fraternité, dans un compagnonnage uniquement motivé par le chemin et nos mais différents.

Une certitude m'habite : Dieu n'impose pas, ne s'impose jamais, il se propose, simplement. S'il essuie un refus, il ne force pas la porte mais sera, comme le disait un Père Abbé de monastère Bénédictin, « un séducteur impénitent, ne pose à l'homme qu'une seule question : veux-tu de moi ? Veux-tu de mon amour ? »

Un texte qui m'amène au chemin : les disciples d'Emmaüs ! Le soir de Pâques, deux disciples, tous tristes, bouleversés par la mort de leur ami en qui ils mettaient tous leurs espoirs, font route vers Emmaüs. Ils sont rejoints en chemin par le Christ Ressuscité qui ne se fait pas reconnaître. La question principale qu'il leur pose : « De quoi causiez-vous en chemin ? » Il les rejoint au cœur de leur souffrance, il descend jusqu'au plus profond de leur détresse. Et là, il ne s'impose pas, ne se fait pas reconnaître, les écoutes, il les comprend, il prend leur rythme, il les retrouve au plus profond de leur cœur. Alors, en marchant, lentement, il les ouvre à la parole et les conduits à la table (Eucharistie) de l'auberge, là, ils le fournissent et s'exclament : « Notre cœur n'était-il pas tout brûlant tandis qu'il nous parlait en chemin » - « Et encore : « Reste avec nous, le jour baisse… »

Telle est bien notre attitude avec tous les pèlerins que nous rencontrons. Unrespect très fort de ce qu'il est, de ce qu'il vit, sans juger, mais en accueillant, comme un cadeau, sa vie, sa souffrance et ses questions. Le rejoindre au plus profond de sa souffrance, de son cœur, de sa vie. Et prendre son rythme, qui est peut-être prêté, inadapté au mien, qui me dérange, mais se laisser faire par l'autre quel qu'il soit. Puis faire route avec lui. Mon témoignage est beaucoup plus ma manière de vivre, mon style, la vie du Christ et l'esprit qui bouillonne en moi. Rappelons-nous notre baptême. Nous avons reçu l'onction d'huile sur le front. Elle était parfumée, ce qui signifie que nous avons à faire envie par ce que nous vivons au plus profond de nous, à être attirant, dans le silence et par nos regards, notre attitude, notre rayonnement. C'est ainsi que Jésus pouvait dire de ses disciples « Voyez comme ils s'aiment, c'est à cela qu'on les reconnaîtra comme mes disciples ! »

Et enfin et surtout, le plus beau témoignage sera de porter dans notre prière silencieuse, sur le chemin, le frère ou la sœur pèlerin qui s'est ouvert et que nous venons de quitter. Il/elle devient le compagnon de route invisible et précieux, il est marqué dans notre cœur et je le porte au Christ.

Mais pour cela, il faut d'abord que je me sois laissé transformer par le chemin, par le Christ. Sachant que je ne pourrais être et donner que ce que je porte en moi, que le chemin que je fais et la longueur d'avance que je peux avoir sur celui que je rencontre. Le plus mon ouverture est très grande au point où je me laisse transfigurer par la personne qui m'a rencontré, alors j'ai choisi la beauté, le grand, le profond à me transmettre, à me proposer.

Dans les deux rencontres décrites plus haut, j'en suis ressorti en ayant, en moi, le sentiment de vivre ce qu'ont vécu Marie et Elisabeth, au moment de la Visitation rapportée par St Luc. Deux femmes enceintes, l'une portant Jésus, l'autre Jean-le-Baptiste. Source joie et quel bonheur dans cette rencontre ! des cris de joie : « Heureuse es-tu… les enfants tressaillent en elles, et le Magnificat » Au-delà d'une rencontre de deux cousines, c'est la rencontre de Dieu.

Que se passe-t-il lorsque vous arrivez à Santiago : explosion de joie, pourquoi ? Parce qu'il ya eu RENCONTRE, avec soi-même, avec les autres, peut-être avec Dieu.

Que toutes nos rencontres deviennent Visitation !

Mais les Églises sont construites sur le terrain pastoral, dans de nombreuses régions de notre pays, dans nos communautés !

11.- MES CONCLUSIONS

Je suis parti avec beaucoup de questions sur ce que je fais, sur ma fonction !

J'ai pris tout mon temps pour me demander qui je suis ? Je me laisse décaper, déposséder, désapproprier.

Cela m'a conduit à moi-même, à l'intime de moi-même, donc à Dieu plus intime à moi-même que moi-même, et Dieu m'a guidé vers les autres ! J'avais besoin de m'apprivoiser et d'apprivoiser Dieu. J'ai réappris à m'aimer ! Je suis laissez-faire pour le Christ, au plus profond de ce que je suis. J'ai passé du "faire" à l'«être», mais cela reste un combat quotidien !

Une certitude me pousse depuis : Dieu m'a créé, Dieu m'aime, donc le plus important est de témoigner de ce que Dieu est pour moi. L'être profond en moi est habité par Dieu, baptisé, croyant et prêtre. J'ai refait l'unité et retrouvé la liberté !

Permettez-moi encore un texte, il est de St Antoine:

« Va, pèlerin, poursuis ta quête ;

Va sur ton chemin, que rien ne t'arrête !

Prends ta part de soleil et part de poussière ;

Le cœur en éveil, oublie l'éphémère !

Tout ne l’est pas ; rien n'est vrai que l'amour.

N'attache pas ton cœur à ce qui se passe !

Ne dis pas : j'ai réussi, je suis payé de ma peine.

Ne te repose pas dans tes œuvres, elles vont te juger.

Garde en ton cœur la parole ; voilà, ça sonne en sécurité. »

Et maintenant, je discute avec le Dr René Prêtre, cardiologue pédiatrique, basé en Suisse. Le livre a pour titre « Et au centre bat le cœur », et vous citez la dernière phrase de cet ouvrage :

« La force des bourrasques s'atténue dehors, cédant à nouveau le bruit de fond à mes haut-parleurs. Bonjour Louis Armstrong. Le mot « merveilleux » vogue. L'alimentation continue le tourbillonner. Le ciel est bas. Tourmenté et gris.

Mon horizon est le mien. Apaisé et serein.

C'est bien sur le terrain. »

Chers amis pèlerins, merci pour votre longue et patiente expérience.

Rémy Berchier